Voici un extrait de l´article « Prostitution, la guerre des modèles » de William Irigoyen dans le monde diplomatique de janvier 2017:
À l’opposé, la psychologue allemande Ingeborg Kraus milite très clairement en faveur de l’importation dans son pays des lois suédoises et pour la ratification de la convention internationale de 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Initiatrice d’un manifeste de psychotraumatologues allemands contre la prostitution, elle a écrit à la chancelière Angela Merkel pour dénoncer les conséquences de la légalisation des maisons closes en 2001 (6), qui aurait fortement encouragé la demande : « Le “modèle allemand”, loin de les protéger, s’est avéré “l’enfer sur Terre” pour les femmes, écrit-elle par ailleurs (7). Nous observons une industrialisation de la prostitution, avec un revenu total estimé à 14,6 milliards d’euros et 3 500 bordels déclarés officiellement. » Certains de ces établissements, comme le Pascha à Cologne, sont devenus de hauts lieux de l’industrie du sexe. Plus de cent vingt prostituées travaillent dans cette « institution » qui s’enorgueillit d’abriter un « Éros Center du sexe pas cher, une maison close traditionnelle plus confortable et aux tarifs plus élevés, un étage réservé aux transsexuels, une discothèque avec des escorts et un hôtel».
« Repas, alcool, massage, une ou plusieurs filles »
Toujours en quête de compétitivité, ces entreprises proposent même des forfaits « repas, alcool, massage thaïlandais, une ou plusieurs filles, le tout pendant trois heures, pour la modique somme de 50 euros (8) ». Un désastre humain, selon Mme Kraus, qui cite une étude de 2008 : « Soixante-huit pour cent des femmes en situation prostitutionnelle présentaient des symptômes de stress post-traumatique d’une intensité similaire à ceux des anciens combattants ou des personnes ayant été torturées. D’autres troubles peuvent se développer : toutes sortes d’angoisses, des dépendances diverses, des troubles affectifs comme la dépression ou la bipolarité, des douleurs psychosomatiques, des troubles de la personnalité, des troubles dissociatifs, etc. (9). »
Parce qu’elle déplore « l’inaction des responsables politiques » allemands, Mme Kraus souhaite demander à la Commission européenne d’émettre un avis contre l’Allemagne pour manquement à la charte des droits fondamentaux, dont la garantie d’« intégrité de la personne » et l’« interdiction des traitements dégradants ». Elle veut faire reconnaître que la prostitution est en totale contradiction avec les valeurs de l’Union européenne. Le Parlement européen a voté en 2014 plusieurs préconisations, dont l’usage de la sanction contre les clients, mais il s’agissait d’une résolution non contraignante. Hors de l’Union européenne, la Norvège et l’Islande ont déjà suivi la Suède en 2009. Au sein de l’Union, seules l’Irlande du Nord (en 2015) et la France (en 2016) ont modifié leurs lois. (…)
Voici l´article dans son intégralité: prostitution-la-guerre-des-modeles-par-william-irigoyen-le-monde-diplomatique-janvier-2017